05 août 2007
Karma Yoga
Le mot karma est dérivé de la racine sanskrite kri, faire. Il englobe plusieurs aspects: l'action elle-même, les conséquences des actions et les effets dont nos actions passées ont été les causes. Dans l'étude du Karma-Yoga, il faut considérer le mot karma uniquement dans le sens d'action ou travail. Ainsi, tout ce que nous faisons, que ce soit physiquement ou mentalement, est karma, et laisse sur nous une empreinte. Dans l'idéal du Karma-Yoga, l'action est accomplie par sens du devoir, sans but égoïste, en abandonnant tous les actes à Dieu et en se détachant de tout ce qu'ils peuvent apporter en retour: argent, gloire, renommée, un meilleur avenir, etc. La Bhagavad-Gita dit: "Tu as le droit de remplir tes devoirs mais pas de jouir des fruits qui en résultent".
L'histoire décrite ci-après, tirée du Mahabharata (Vana Parvan, CCV) illustre cet idéal du Karma-Yoga:
Un jeune sannyasin, moine mendiant, s'était retiré dans la forêt, où il avait longtemps médité, adoré et pratiqué le yoga. Après des années d'exercice et de dur labeur, un jour qu'il était assis sous un arbre, quelques feuilles mortes tombèrent sur sa tête. Il leva les yeux et vit un corbeau et une grue qui se battaient au sommet de l'arbre. Il en fut fort irrité et s'écria: "Quoi! Vous osez jeter des feuilles sur ma tête!" Comme en disant ces mots il lançait un regard plein de colère, un trait de feu jaillit de sa tête (tel était le pouvoir que le yogin avait acquis) et réduisit en cendres les deux oiseaux. Il éprouva du plaisir, presque une joie débordante, à constater les pouvoirs qu'il possédait: d'un regard il avait pu brûler le corbeau et la grue!
Un peu plus tard il dut aller à la ville pour mendier son pain. Il y alla, s'arrêta devant une porte et dit: "Mère, donne-moi à manger." De l'intérieur de la maison il entendit une voix: "Attends un instant, mon fils. - Maudite femme, pensa le jeune homme, comment oses-tu me faire attendre? Tu ne connais pas encore mon pouvoir!"
Pendant qu'il avait ces pensées, la voix se fit entendre de nouveau: "Mon garçon, ne pense pas trop à toi-même, il n'y a ici ni corbeau ni grue." Il fut stupéfait et dut continuer d'attendre. Lorsque, finalement, la femme sortit de chez elle, il se prosterna devant elle et lui demanda: "Mère, comment savais-tu cela?
- Mon garçon, répondit-elle, je ne connais ni ton yoga ni tes pratiques. Je suis une femme très ordinaire. Je t'ai fait attendre parce que mon mari est malade et que je le soignais. Pendant toute ma vie je me suis efforcée de faire mon devoir. Avant de me marier, je faisais mon devoir envers mes parents; maintenant que je suis mariée, je l'accomplis envers mon mari; c'est là tout mon yoga. Mais en remplissant ainsi mon devoir, j'ai reçu l'illumination; c'est ainsi que j'ai pu lire dans ta pensée et savoir ce que tu avais fait dans la forêt. Si tu veux apprendre quelque chose de plus élevé que ceci, va au marché de telle ville; tu y trouveras un vyadha (membre de la caste la plus basse de l'Inde; caste de chasseurs et bouchers) qui t'enseignera quelque chose que tu seras très heureux de savoir.
- Pourquoi irais-je dans cette ville-là, pensa le sannyasin, et pourquoi irais-je chercher un vyadha ?" Mais après ce qu'il avait vu, son esprit s'était quelque peu ouvert et il fit ce que la femme lui avait conseillé. Lorsqu'il arriva près de cette ville, il trouva le marché et il vit de loin un gros et gras vyadha qui découpait des quartiers de viande avec de grands couteaux, qui parlait et marchandait avec différents acheteurs. Le jeune homme se dit: "Que le Seigneur me vienne en aide! Est-ce de cet homme que je vais apprendre quelque chose? C'est certainement l'incarnation d'un démon, pour le moins!" Mais le vyadha leva les yeux et lui dit: "Swami, est-ce cette femme qui t'a dit de venir me voir? Assieds-toi en attendant que j'aie fini mon travail.
Que m'arrive-t-il?" se demanda le sannyasin. Il s'assit et le boucher continua son travail. Quand tout fut terminé, celui-ci ramassa son argent et dit au sannyasin: "Viens Seigneur, viens chez moi."
Lorsqu'ils furent arrivés, le vyadha lui offrit un siège, lui demanda de l'attendre, et entra dans la maison. Il fit la toilette de son vieux père et de sa vieille mère, leur donna leur repas, et fit tout ce qu'il put pour leur être agréable; après quoi il revint vers le sannyasin et lui dit: "Tu es venu me voir, Seigneur, que puis-je faire pour toi?" Le sannyasin lui posa quelques questions sur l'âme et sur Dieu, et le vyadha lui fit ce discours appelé Vyadha- Gita qui se trouve dans le Mahabharata.
Lorsque le vyadha s'arrêta de parler, le sannyasin était stupéfait. "Pourquoi, lui dit-il, es-tu dans ce corps-là? Avec la connaissance que tu possèdes, pourquoi es-tu dans un corps de vyadha? Pourquoi fais-tu ce travail affreux et dégoûtant? - Mon fils, répondit le vyadha, nul devoir n'est affreux, nul devoir n'est dégoûtant. Ma naissance m'a placé dans ces circonstances et dans ce milieu. Dans mon enfance j'ai appris ce métier; je suis sans attachement et j'essaye de bien remplir mon devoir. J'essaye de faire mon devoir comme chef de famille, et j'essaye de faire tout mon possible pour rendre heureux mon père et ma mère. Je ne connais pas ton yoga et je ne me suis pas fait sannyasin; je n'ai pas non plus abandonné le monde pour me retirer dans la forêt. Néanmoins, tout ce que tu as vu, tout ce que tu as entendu, m'est venu parce que j'ai exécuté sans attachement les devoirs qui sont ceux de mon métier."
Extrait de "Les Yogas Pratiques", Swami Vivekananda, Ed. Albin Michel, Paris, 1939
Remerciements au site suisse de la CANV Conscience et Action Non-Violentes
11:10 Publié dans 10. Vocabulaire, 11. Textes fondateurs et citations, 23. A méditer | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yoga, méditation
Les commentaires sont fermés.