13 août 2007
Râja yoga
Râja-Yoga : Les premiers pas (extraits des p.366 à p.371)
Celui qui enseigne une science permettant d'accroître les jouissances sensorielles trouvera des multitudes prêtes à l'écouter. Si l'on veut montrer le but suprême, on ne trouve au contraire qu'un petit nombre d'auditeurs. Très peu sont capables de saisir ce qu'il y a de plus élevé; moins encore ont la patience d'y parvenir. Mais certains aussi savent que même en prolongeant de mille ans la vie de notre corps, le résultat final serait encore le même. Lorsque s'en vont les forces qui le soutiennent, le corps nécessairement se désagrège. Nul homme au monde n'a jamais pu empêcher son corps de changer, même un seul instant. Le corps est le nom d'une série de changements. Dans un fleuve, les masses d'eau changent à chaque instant sous vos yeux, et de nouvelles masses arrivent, qui reprennent pourtant les mêmes apparences; il en est de même pour notre corps. Et pourtant il faut conserver notre corps sain et vigoureux, car c'est le meilleur instrument dont nous disposions.
(...)
Si nous revenons à notre sujet, nous arrivons maintenant à prânâyâma, la respiration dirigée. Qu'est-ce que cela peut avoir à faire avec la concentration des forces de l'esprit? La respiration est comme le volant du moteur qu'est notre corps. Dans une grosse machine, vous voyez le volant tourner le premier, puis transmettre son mouvement à des mécanismes de plus en plus légers jusqu'à ce que finalement, les rouages les plus délicats et les plus minuscules se mettent aussi à fonctionner. La respiration est le volant qui fournit et régularise la force motrice pour tout ce qui fait partie du corps.
Il y avait une fois, à la cour d'un grand roi, un ministre qui tomba en disgrâce. Le roi, pour le punir, le fit fermer à l'étage supérieur d'une très haute tour. Et on laissa le malheureux ministre y attendre la mort. Il avait toutefois une épouse très dévouée, qui vint pendant la nuit au pied de la tour et demanda à son mari si elle pouvait faire quelque chose pour le secourir. Il lui dit de revenir la nuit suivante avec une longue corde, de la ficelle solide, du gros fil, du fil de soie, un scarabée et un peu de miel. Très intriguée, la femme obéit docilement à son mari et lui apporta ce qu'il avait indiqué. Il lui dit alors d'attacher solidement une extrémité du fil de soie au corps du scarabée, de lui enduire les antennes d'une goutte de miel, et de le lâcher sur le mur de la tour, face en haut. La femme exécuta toutes ces instructions et l'insecte commença son long voyage. Sentant le miel devant lui, il grimpa lentement avec l'espoir de l'atteindre. Finalement il parvint au sommet de la tour, où le ministre le saisit et s'empara ainsi du fil de soie. Il demanda alors à sa femme d'en attacher l'autre extrémité au gros fil de lin qu'elle avait apporté. Quand il eut amené à lui ce dernier, il recommença avec la ficelle, puis avec la corde. Le reste fut facile. Il descendit de la tour le long de la corde et put s'enfuir. Dans notre corps, la respiration est le « fil de soie ». Si nous nous en emparons et si nous apprenons à la diriger, nous saisissons le gros fil des courants nerveux, puis la ficelle de nos pensées, et finalement la corde de prâna, grâce à laquelle nous conquérons notre liberté.
De notre corps nous ne savons rien et nous ne pouvons rien savoir. Tout au plus pouvons-nous prendre un cadavre et le disséquer. Il y a même des gens qui peuvent prendre un animal et le découper vivant pour voir ce qui se passe à l'intérieur de son corps! Mais cela n'a rien à voir avec notre propre corps, dont nous savons fort peu de chose. Pourquoi sommes-nous à ce point ignorants? Parce que notre attention n'a pas assez de discernement pour saisir les mouvements très subtils qui se déroulent à l'intérieur. Nous ne pouvons en avoir connaissance que lorsque l'esprit s'affine et pénètre, pour ainsi dire, plus profondément dans le corps. Pour arriver à ces perceptions plus subtiles, il nous faut commencer par celles qui le sont moins. Nous devons nous rendre maître de ce qui met en marche toute la machine. C'est le prâna, dont la manifestation la plus apparente est le souffle. Puis, avec le souffle, nous pénétrerons lentement dans le corps, ce qui nous permettra de sentir les forces subtiles que sont les courants nerveux parcourant tout le corps. Dès que nous les percevons et que nous apprenons à les sentir, nous commençons à pouvoir les diriger et aussi à pouvoir dominer le corps. L'esprit est également mû par ces différents courants nerveux, et finalement nous parvenons à l'état de parfaite maîtrise du corps et de l'esprit; l'un et l'autre deviennent nos serviteurs. La connaissance est puissance. Nous devons acquérir cette puissance, aussi devons-nous commencer par le commencement, par le prânâyâma, et nous rendre maître du prâna.
Ce prânâyâma est un sujet complexe et il nous faudra plusieurs leçons pour en donner une explication détaillée.(*) Nous en prendrons les différentes parties successivement. Nous verrons peu à peu les raisons de chaque exercice, et aussi quelles forces sont mises en action dans le corps.
Tout cela viendra, mais il faut pratiquer ces exercices avec constance, et la preuve se fera par la pratique même. Tous les raisonnements que je pourrais vous faire ne vous prouveront rien tant que vous n'en aurez pas fait la démonstration par vous-même. Dès que vous commencerez à sentir ces courants circuler dans tout votre corps, vos doutes se dissiperont, mais il faut s'astreindre à pratiquer chaque jour.
(...)
Ceux qui ne peuvent pas s'offrir une pièce exclusivement réservée à leurs exercices peuvent les pratiquer n'importe où ils veulent. Asseyez-vous avec le buste bien droit et commencez avant tout par envoyer un flot de pensées saintes à toute la création. Répétez intérieurement: « Que tous les êtres soient heureux; que tous les êtres soient en paix; que tous les êtres jouissent de la béatitude. » Dirigez cette pensée vers l'est, vers le sud, vers le nord et vers l'ouest.. Plus vous le ferez et mieux vous vous sentirez. Vous découvrirez finalement que la manière la plus facile de se bien porter est de veiller à la santé des autres - que la manière la plus facile de trouver le bonheur est de nous assurer que les autres soient heureux.
Après avoir fait cela, ceux qui croient en Dieu devraient prier. non pour demander de l'argent ou la santé ou le paradis, mais pour demander la connaissance et la lumière. Tout autre prière est égoïste. Après cela, il faut penser à votre propre corps, veiller à ce qu'il soit sain et vigoureux, car c'est le meilleur instrument que vous ayez. Pensez à lui comme étant aussi solide que le diamant; pensez qu'avec l'aide de ce corps vous allez traverser l’océan de la vie. La liberté n'est jamais conquise par les faibles; dépouillez toute faiblesse: dites à votre corps qu'il est vigoureux, dites à votre esprit qu’il est fort, et ayez en vous-même une foi et une espérance sans bornes.
Les Yogas pratiques, Vivekananda, collection Spritualités vivantes, Albin Michel
* J'ai publié récemment deux articles sur la respiration complète: vous les retrouverez
ici (Van Lysebeth) et là (comment pratiquer)
Remarque: Pour la pratique détaillée des différents pranayamas, il vaut mieux les premiers temps avoir un guide et pratiquer avec un enseignant reconnu et expérimenté.
00:00 Publié dans 11. Textes fondateurs et citations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yoga, bien-être, méditation